Appel à contributions : « L’art “dégénéré”. Une histoire croisée France / Allemagne »
L’expression nazie « art dégénéré » désigne une campagne publique d’exclusion, de diffamation et de destruction de l’art moderne, s’étalant sur plus d’une dizaine d’années. Le terme de « dégénérescence » apparait à la fin du xviiie siècle dans différentes disciplines (histoire naturelle, médecine, anthropologie, histoire de l’art…) jusqu’à sa cristallisation au cœur de la « vision du monde » national-socialiste, et sert de vecteur au déploiement de théories racistes et antisémites, notamment dans le champ de l’histoire de l’art.
Au cours de la campagne contre « l’art dégénéré », quelque 20 000 œuvres modernes sont saisies par le régime national-socialiste dans les collections publiques allemandes et décrochées des cimaises des musées. Après la promulgation de la « loi sur la confiscation des produits de l’art dégénéré » en mai 1938, il devient patent que ces œuvres ne retourneront pas dans leurs lieux de conservation initiaux.
Des destructions ont lieu en mai 1936, à la Nationalgalerie berlinoise, première institution à avoir acquis un tableau de Cézanne, quarante-quatre toiles sont réduites en cendres dans la chaudière de l’ancien Kronprinzen-Palais ; environ 5 000 œuvres sont brûlées dans la cour de la gare centrale de Berlin le 30 mars 1939 comme « restant non exploitable », selon une terminologie propre à la langue du IIIe Reich.
Une part importante des œuvres dites « dégénérées », considérées comme « exploitables », sont vendues lors de la vente organisée le 30 juin 1939 à Lucerne par la galerie Fischer, et surtout via quatre marchands chez qui transitèrent environ 9 000 œuvres – Hildebrand Gurlitt, Karl Bucholz, Ferdinand Möller, Bernhard Böhmer – qui eux-mêmes s’appuyèrent sur les réseaux de nombreux intermédiaires.
L’attaque contre l’art moderne connaît un point public culminant lors de l’exposition diffamatoire « Entartete „Kunst“ » (« “Art” dégénéré »), organisée à Munich en 1937, incluant plus de 600 œuvres confisquées par les nazis, œuvres dues à une centaine d’artistes, d’Otto Dix à Ernst Ludwig Kirchner, de Wassily Kandinsky à Emil Nolde, de Paul Klee à Max Beckmann, de Otto Freundlich à Kurt Schwitters. Cette manifestation de propagande s’inscrit dans une série d’expositions mises en place dans plusieurs musées dès 1933 (Dresde, Mannheim, Karlsruhe…) et se poursuivant en Allemagne et en Autriche jusqu’en 1944. Le colloque s’appuie sur des recherches récentes et encourage la participation de jeunes chercheurs. Il vise en particulier à explorer les échos de la campagne sur l’art « dégénéré » en France, les parallèles entre les situations française et allemande, les répercussions sur les artistes et les galeristes en France ainsi que la position de la critique et des conservateurs de musées français.
Les principaux thèmes abordés seront :
L’émergence et la diffusion de la notion de « dégénérescence » et son application en histoire de l’art.
La position et la réaction des différents acteurs (artistes, critiques, historiens, personnels des musées…) face à la campagne contre « l’art dégénéré », notamment en France. Une attention particulière sera portée aux propositions de communication entendant traiter des réactions des artistes désignés comme « dégénérés » et transitant par la France, face à cette campagne de dénigrement, de destruction, de dilapidation et d’effacement des avant-gardes.L’organisation des expositions « d’art dégénéré », la scénographie et le contenu de ces expositions, leur réception. Une attention sera également portée aux contre-projets d’exposition organisés en réaction à la campagne nazie.
Le commerce de « l’art dégénéré » et notamment ses implications dans le contexte français.
L’historiographie de la question de « l’art dégénéré » de 1945 et à nos jours. Les évolutions de ce champ d’études, la position des musées et des acteurs institutionnels face à cette question, et les perspectives nouvelles de recherches.
Le transport, les repas et l’hébergement à Paris sont pris en charge sur une base forfaitaire.
Les propositions seront composées d’un seul fichier intitulé du nom de la personne répondant à l’appel ; elles comporteront une courte biographie (une page maximum) et la proposition de communication (3 000 signes maximum espaces compris). Elles pourront être rédigées en français ou en anglais.
Date limite d’envoi à l’adresse colloqueartdegenere@gmail.com : 30 novembre 2024