A l'automne 1904, Picasso rencontre Fernande Olivier qui allait bientôt s'installer dans son atelier du Bateau-Lavoir à Montmartre et partager sa vie pendant plusieurs années. La figure féminine, qu'elle soit peinte, sculptée ou dessinée, prend alors les traits réguliers de cette muse et modèle. Se fait jour une nouvelle réflexion sur la représentation du corps nu, thème dont Picasso a fait son sujet de prédilection lors d'un voyage à Gosol, petit village de montagne près d'Andorre, où il séjourne de mai à août 1906. C'est au retour à Paris qu'il entreprend une sculpture représentant une femme agenouillée peignant sa longue chevelure, réalisée d'après un original en céramique cuit dans le four de l'atelier de Paco Durrio, céramiste et ami de Picasso.

Contrairement à la plupart des œuvres de jeunesse, la Femme se coiffant n'est travaillée que dans un seul angle, celui où s'observe le geste de la coiffure que dessine le bras droit peignant la chevelure, le dos de la sculpture restant ouvert. Dans les dessins et tableaux qui accompagnent la sculpture, la composition est presque toujours saisie du même côté, les genoux reposant sur le sol, la tête et le départ du bras droit délimitant la silhouette. Le sujet de la « Femme se coiffant », qui occupait déjà Picasso avant son départ de Paris, est à la croisée de nombreuses références et influences. Il s'agit d'une représentation « primitive » du corps, en ce sens où celui-ci est donné à voir dans sa nudité « brute », c'est-à-dire libérée de tout contenu émotionnel ou psychologique. A Gosol, lieu de solitude où il a découvert la force et la rudesse des formes archaïques, Picasso invente un primitivisme exempt de sauvagerie et qui privilégie la puissance expressive de la matière. Les bois gravés, incisés ou taillés qu'il réalise alors (comme Tête de femme ou Buste de femme (Fernande), témoignent de l'influence des œuvres primitives de Gauguin sur son art. Nulle trace d'archaïsme primitif cependant dans la Femme se coiffant, dont la pose est toute classique et rejoint un modèle grec bien connu dans l'antiquité, celui de l'Aphrodite accroupie de Doidalsès. De surcroît l'origine du travail de Picasso sur le thème de la coiffure serait ingresque. En effet, au cours des mois qui suivirent le Salon d'Automne de 1905, marqué par la découverte du Bain Turc, il réalise une série de variations, peintes et dessinées, sur le thème de la coiffure. La douceur du profil grec du visage, le geste sensuel de la main dans la longue chevelure semblent teintés de réminiscences ingresques. La surface impressionniste de la sculpture et ses ondulations vibrantes évoquent quant à elles davantage Degas. Ce thème de la femme à sa toilette hantera toute l'œuvre de Picasso et sera présent dans sa collection personnelle, dans La coiffure ou La toilette de la baigneuse de Renoir (MP2017-54), œuvre qu'il acquiert à la fin de sa vie.