Le profil de Fernande Olivier, modèle et compagne de l’artiste, se retrouve dans plusieurs dessins[^1] l’été 1906. Ici, il se détache d’un fond bleu soutenu par le tracé d’une ligne ocre brun. Picasso y expérimente la technique du monotype, consistant à appliquer une couche de peinture sur une plaque de verre pour réaliser un tirage sur papier. La pression plus ou moins forte des doigts permet d’obtenir des variations dans l’intensité des couleurs. L’oeuvre serait à rapprocher de la gouache Portrait de Fernande Olivier (1906, Waldemarsudde, W710) qui partage une même palette chromatique, et de La Toilette (1906, AKAG, 1926:9), dans lequel le visage de la servante présente un profil comparable. Comment ne pas penser non plus à fresque minoenne La Parisienne, découverte lors des fouilles du palais de Cnossos par sir Arthur Evans à partir de 1900 ? Bien que rien ne permette d’affirmer que Picasso la connaissait à cette date, la couleur du fond, la chevelure brune bouclée, le visage ainsi que les longs sourcils finement dessinés et arqués évoquent le style minoen[^2] le bord latéral gauche du verso, on distingue deux jambes, détail fragmentaire d’un autre monotype non identifiée.

[^1]: notamment coll. part., Z. VI, 745.

[^2]: Cette fresque est publiée pour la première fois par Evans in Evans, 1900-1901, p. 57, fig. 17. Elle est ensuite reproduite dans un article de La Revue de l’art ancien et moderne, « Une excursion à Cnossos », 10 juillet 1902, n° 64, t. XII, p. 81-94 ; 161-172 (p. 85). Si ces reproductions n’ont pas permis à Picasso de connaître les couleurs de la fresque originale, peut-être a-t-il vu au Louvre un autre fragment de fresque crétoise montrant un profil de femme sur fond bleu (Louvre, MND698) acquis en 1904 ?

Charlotte Quiblier, janvier 2022