Cette feuille d’études rassemble plusieurs éléments disparates, caractéristiques néanmoins de l’année 1906 qui amène l’artiste à se détourner de la représentation sentimentale ou littéraire des périodes bleue et rose pour se concentrer sur l’étude des volumes et des relations entre les formes. Deux éléments ressortent par le traitement spécifique qui leur est réservé : une tête de femme de profil et un nu masculin de dos sont isolés sur la feuille par un fond de hachures qui leur assure un espace propre. Tous deux, ainsi que le second nu masculin, sont ébauchés comme des archétypes : les corps sont réduits à des volumes puissants, le visage à un modèle-type[^1], sans traits personnalisés. De l’ensemble émane une forme de monumentalité évoquant la statuaire antique. Une main à l’index replié et une cuillère dans un bol complètent la feuille et constituent des détails plus anecdotiques en regard des autres sujets traités dans cette composition qui témoignent de l’élaboration manifeste d’un langage pictural plus épuré, fondé sur une nouvelle image du corps. La position du nu de profil, aux bras levés et croisés, est exploitée fréquemment par la suite, notamment dans Les Demoiselles d’Avignon et ses nombreuses études préparatoires (voir, entre autres, MP11 , MP12 , MP13 , MP533 , MP534 et, plus tardivement, MP1358 , MP1366).

[^1]: Werner Spies, Picasso : Pastels – Dessins – Aquarelles, Paris, Éditions Herscher, 1986.

Joanne Snrech, janvier 2022