La position de ce nu évoque immédiatement celle de la femme située à gauche de la toile les Deux Nus, et pourrait appartenir au corpus large de ses études préparatoires [^1], sans en avoir encore les arêtes rectilignes caractéristiques de la production de Picasso à l’automne 1906. Le nu féminin est un sujet qui occupe Picasso cette année-là, notamment à travers les thèmes de la toilette et de la coiffure, que l’on retrouve dans deux des toiles importantes de 1906, Le Harem et La Toilette (AKAG, 1926:9). La Femme nue de profil s’inscrit également dans cette thématique, mais rompt avec le physique élancé et les lignes arrondies des nombreuses études pour Le Harem [MP514 et MP1857 (52r), (64r)]. Avec une grande économie de moyens, l’artiste esquisse ici un corps féminin en torsion, aux formes plus pleines. Le corps est modelé presque exclusivement grâce à la juxtaposition, permise par l’aquarelle, d’aplats de couleur de différentes densités : seuls quelques contours extérieurs, le ventre, la chevelure, l’arête du nez sont véritablement tracés. Ainsi, si la gamme monochromatique ocre lie ce dessin au travail de Picasso effectué lors de son séjour à Gósol, l’ébauche d’un langage synthétique annonce déjà les grands nus massifs des mois qui suivent.

[^1] Josep Palau i Fabre, Picasso vivant : enfance et première jeunesse d’un démiurge, 1881-1907, Paris, Könemann, [1981] 1998, p. 467.

Joanne Snrech, janvier 2022