« Barthélémy Toguo / Pablo Picasso » Museu Picasso de Barcelone (23/09/2022 – 26/02/2023)

      Tout comme Picasso, Barthélémy Toguo est un artiste protéiforme dont l’œuvre se déploie dans de multiples directions. En fonction du projet artistique et de l’idée à développer, il choisit son médium : peinture, sculpture, céramique, performance, dessin, gravure, écriture. La représentation de la figure humaine, l’indistinction des genres, l’hybridation, la continuité entre humain, animal et végétal sont parmi ses sujets les plus familiers. Barthélémy Toguo tient l’engagement politique de Picasso comme un exemple fort de la responsabilité assumée de l’artiste dans la société. C’est en pensant explicitement à Guernica (1937) qu’il réalise l’œuvre Rwanda 1994 (2014) (fig. 1), partageant ainsi avec Picasso l’idée que l’artiste ne crée pas pour décorer les appartements.

     Quand il pense au dialogue entretenu par les artistes modernes avec l’art africain, l’artiste songe tout naturellement à Picasso. Lors de ses visites au Museu Picasso de Barcelone en vue de la préparation de l’exposition « Barthélémy Toguo / Pablo Picasso » (2022-2023), il a été fasciné par les céramiques de Picasso et s’est alors rendu à Malaga pour créer de grands vases et des plats avec cette même technique (fig. 2 et 3). Il a également été saisi devant la série des variations de Picasso sur Les Ménines (1957) d’après le tableau homonyme de Vélasquez (1656), toutes rassemblées comme en un portrait de famille au musée. Il s’est alors littéralement enfermé dans les salles du musée pour peindre les siennes, sans pour autant copier ni celles de Vélasquez, ni celles de Picasso. En un mouvement de « retour à l’envoyeur », pour reprendre la belle formule d’Emmanuel Guigon, directeur du Museu Picasso de Barcelone et co-commissaire de l’exposition, Barthélémy Toguo a contaminé les figures avec son propre vocabulaire. Il a fait du peintre un être hybride, mi-homme mi-diable (fig. 4), et de l’infante une figure mythique, nymphe ou ménade africaine (fig. 5).

      Au Museu Picasso de Barcelone, avec les œuvres spécialement conçues pour l’exposition, ont été exposées également Urban Requiem (2015-2023), la série Animal Comedy (2020) et les vidéos des performances The Thirsty Gardener (2005) et Circoncision (1999-2007), ce qui a permis d’intensifier le dialogue entre les deux artistes. Une salle était par ailleurs entièrement consacrée à Bandjoun Station (fig. 6), créée par l’artiste au Cameroun. Ce lieu unique est à la fois centre d’art, résidence d’artistes et projet écologique agricole, avec une dimension artistique et sociale.

      Invité chez Picasso, Barthélémy Toguo a donc scruté l’œuvre de l’artiste mythique avec une acuité toute particulière. Il l’a enveloppée et cernée en engageant une action empreinte aussi bien de drame que de tendresse.